Voter? Sans façon.

Par Julia Laplane, OCDE

« L’argent est le nerf de la guerre », disait Ciceron. En ce début de campagne électorale américaine, il semblerait que l’argent, et plus particulièrement la collecte de fonds, soit également le nerf de la politique. Le coût des élections présidentielles de 2012 devrait atteindre un niveau record, si la tendance positive observée ces dernières années se confirme : 343.1 millions de dollars en 2000, 717.9 millions en 2004 et plus d’1 milliard en 2008. Le taux de participation, en revanche, n’a pas dépassé les 60% depuis 1960, lorsque 63.1% de l’électorat s’était rendu aux urnes. D’autres pays de l’OCDE font face au même constat d’échec, et les élections au niveau européen représentent un défi démocratique de taille. Le taux de participation pour les élections du Parlement européen en 2009 n’a pas dépassé 43%, le taux plus bas depuis la première élection au suffrage universel direct il y a trente ans.

Pourquoi les gens ne votent-ils pas ? Et comment les inciter à le faire ? Certains veulent mais ne peuvent pas (barrière de la langue, handicap quelconque, statut socioéconomique, etc.). D’autres peuvent mais ne veulent pas (manque de temps, d’intérêt pour la politique).  Dans le premier cas, des mesures assez simples à mettre en place – mettre à disposition des votants des informations disponibles dans plusieurs langues – peuvent être une solution. Dans le second cas, les gouvernements doivent orienter le débat vers des problématiques pertinentes et en phase avec les attentes de leurs citoyens. C’est d’autant plus nécessaire lorsqu’on étudie l’impact des situations socio-économiques sur les comportements électoraux.

La représentativité est le socle de la démocratie, et le niveau de participation électorale est souvent révélateur du niveau de cohésion sociale. C’est également un élément clé de la légitimité gouvernementale, l’élection permettant le transfert du pouvoir des citoyens à leurs représentants. En tant que tel, un faible taux de participation, notamment chez les jeunes, est souvent perçu comme un signal d’alarme adressé à l’élite gouvernante. Le rapport des citoyens à la politique évolue, la désillusion sur l’importance du vote et l’impression d’irresponsabilité des gouvernements se faisant plus fortes.  

 Deux scénarios peuvent être envisagés en conséquence : le premier, celui d’une indifférence généralisée à l’égard de la politique et la dérive vers un état de complaisance dans une sphère publique pacifiée. Le philosophe Alexis de Tocqueville craignait ainsi qu’après avoir acquis une certaine liberté politique et économique, les citoyens se tournent vers leur vie privée et ne participent plus aux affaires publiques : « Au-dessus de ceux-là s'élève un pouvoir immense et tutélaire […] Que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre?

De nouveaux mouvements de participation civique ont cependant émergé, comme un complément aux outils démocratiques traditionnels, des « printemps arabe » et « printemps d’érable », à « Occupy Wall Street » ou au mouvement des « Indignados ». Dans ce contexte d’ébullition, il n’est pas surprenant que le « manifestant » ait été élu personne de l’année 2011 par le “ Time Magazine”. Cette implication directe des citoyens dans le débat, représente-t-elle une alternative durable à la mobilisation politique traditionnelle ? La rue serait-elle l’avenir de la démocratie ?

Il y a tout juste un an, débutait le mouvement “Occupy Wall Street”, dont le slogan « Nous sommes les 99% » fait écho à un défi démocratique récurrent: la détention de l’argent, et donc du pouvoir, par une minorité. Cette idéologie égalitariste correspond certainement à la définition classique de la démocratie : « Le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Cependant, exiger l’unanimité dans la prise de décision peut mener à l’absence de prise de décision. De nombreuses personnes, dont beaucoup de jeunes, ont été attirées par les étincelles révolutionnaires et autres perspective de nouveaux modèles sociétaux. Le véritable défi, une fois l’état des lieux établi, est de dresser la feuille de route pour l’avenir. Des meneurs politiques doivent se démarquer afin d’orienter cet « esprit de révolte sans révolution », tel que l’a qualifié Slavoj Žižek, dans un article de The Guardian. Qu’il s’agisse de points précis ou d’un tout nouvel ordre social et économique, un programme et un agenda politiques doivent être établis. Ensuite, nous pourrons voter.

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