Travailler pour être heureux !

Par Carrie Exton, OCDE

Pour beaucoup, le travail suscite des émotions ambivalentes. Stress, pressions, frustrations peuvent être compensés par le plaisir d’échanger avec ses collègues, la satisfaction d’avoir rempli ses objectifs et du « travail bien fait ».  Et surtout, bien évidement, le travail procure un salaire – lequel permet de couvrir des dépenses dans des domaines cruciaux pour le bien-être, comme la santé, l’éducation, le logement, ou la vie sociale. Pour de nombreux économistes, le travail serait un mal nécessaire : quelque chose que l’on fait pour payer l’addition (et jusqu’à ce que toutes les additions soient payées), plutôt que pour la satisfaction et le bien-être que cela peut procurer, de façon intrinsèque. De nouvelles données sur le bien-être subjectif apportent quelques éclaircissements sur ces questions.

 

© Istock photo/Thinkstock 

 

En Juillet, l’Office national de statistique (ONS) a publié des données expérimentales montant comment la satisfaction à l’égard de la vie, le bonheur, l’anxiété, et le sentiment que la vie vaut la peine d’être vécue, varient au Royaume-Uni. Bien que ces données soient encore expérimentales à ce stade,  elles reposent sur un échantillon national comprenant plus de 160 000 personnes – offrant des possibilités sans précédent quant à l’étude du bien-être. Elles montrent que le chômage a un effet très marqué sur le bien-être subjectif. Si 80% des personnes en emploi notent à 7 ou plus, sur une échelle de 10, leur satisfaction à l’égard de la vie, 45% des chômeurs attribuent une note en deçà de 7. L’ONS montre également que la vie quotidienne des personnes au chômage est marquée par moins de bonheur et plus d’anxiété, avec également, un sentiment moins fort que la vie vaut la peine d’être vécue. Cela vient confirmer ce que nous avions pu observer à partir de nombreuses bases de données internationales, et qui tendait à montrer que même après avoir tenu compte de la baisse de revenu, les personnes au chômage sont moins satisfaites de leur vie que celles qui ont un emploi.

 

Pour ceux qui ont un emploi, le type d’emploi occupé a-t-il une grande importance ? Les données de l’ONS offrent un début de réponse à cette question, en isolant différentes catégories d’emplois. Les « ingénieurs » et les  «directeurs, cadres de direction et cadres supérieurs »  rapportent les niveaux les plus élevés de satisfaction à l’égard de la vie. Les scores qu’ils attribuent au sentiment que la vie vaut la peine d’être vécue sont également les plus élevés, avec ceux donnés par les professions de « services à la personne, loisirs et autres services » .  Les plus faibles niveaux de satisfaction à l’égard de la vie sont associés aux «opérateurs de processus industriels, d’installations et de machines », les  «professions élémentaires » et les métiers de «ventes et services à la clientèle»  rapportant également des niveaux de satisfaction relativement faibles.

 

Bien évidemment, ces simples corrélations ne suffisent pas à elles seules à établir des liens de causalité – par exemple, les différences en termes de bien-être sont probablement bien plus fortes au sein des cadres dirigeants qu’elles ne le sont entre les cadres dirigeants et les professions d’aide à la personne.  Le bien-être subjectif, dont la satisfaction vis-à-vis de l’emploi,  est affecté par de nombreux facteurs, eux-mêmes souvent liés les uns aux autres. L’ ONS note que le bien-être subjectif semble plus élevé pour les emplois qui offrent plus de responsabilités et de contrôle sur le travail à effectuer, ainsi que des revenus plus élevés – suggérant que l’important n’est pas uniquement ce que l’on fait, mais également, comment on le fait (peut le faire) et ce que l’on reçoit en retour.

 

Même si de toute évidence, on est mieux ailleurs qu’au chômage, il est tout aussi certain que le travail peut avoir des effets plus ou moins positifs sur la vie quotidienne. Des études s’appuyant sur des enquêtes « emploi du temps  » (comme celle de Kahneman et al.) ont montré que les gens ressentent moins d’émotions positives, et plus d’émotions négatives, lorsqu’ils sont au travail que lorsqu’ils s’emploient à d’autres activités.  Le transport est la seule activité quotidienne qui ressort encore moins bien que le travail. Les moments de la journée qui procurent le plus de bonheur sont liés aux relations intimes, à la détente, aux repas et aux relations personnelles. Les émotions positives tendent également à être plus fréquentes durant le week-end que pendant la semaine –mais la satisfaction à l’égard de la vie ne varie quasiment pas au cours de la semaine.

 

Ces observations soulignent quelques unes des différences importantes qu’il peut y avoir entre le sentiment général de satisfaction à l’égard de la vie et le ressenti quotidien d’émotions positives.  Vacances et week-ends sont des choses positives, mais être au chômage est une tout autre histoire – et le plus souvent,  il semble que les bénéfices « structurels » que l’on retire à travailler peuvent s’inscrire en compensation des changements temporaires d’humeur que l’on peut éprouver. 

 

En savoir plus

 

Measuring Subjective Well-being in the UK, First Annual ONS Experimental Subjective Well-being Results

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