Donner plus de visibilité aux femmes

Cet article, rédigé par Angela Hariche et Karen Barnes Robinson, est issu de la série Wikiprogress on Gender Equality

Tous deux ont obtenu leur diplôme ensemble il y a cinq ans et ont ensuite intégré la même entreprise, dans la même ville. Trois ans plus tard, il peut obtenir un crédit pour sa maison, mais elle n’en a pas les moyens.

Elle démarre sa journée en allant chercher de l’eau et du petit bois et en nettoyant la maison. Une fois s’être occupée des besoins des hommes et des enfants de la famille, elle part pour le marché vendre des légumes.

Elle a trois enfants en bas âge. Elle prend soin de ses voisins âgés et travaille à mi-temps comme femme de chambre dans un hôtel à coté pour joindre les deux bouts. Aucun de ces deux emplois ne procure d’assurance maladie.

Ces femmes ne sont pas des victimes. Elles sont les acteurs du changement, acteurs qui ramènent des ressources, des connaissances et des forces à leurs foyers, communautés et sociétés. Sans ces femmes, le monde serait plus mal loti. Et pourtant, elles ne sont toujours pas reconnues, payées ou valorisées pour le travail qu’elles fournissent, et la société dans son ensemble en souffre. Pourquoi? Ces deux dernières décennies, l’économie mondiale a, en large partie, connu une croissance considérable et les taux de pauvreté ont baissé. Cependant, les inégalités entre hommes et femmes, entre riches et pauvres et entre communautés rurales et urbaines restent monnaie courante. Pourquoi les femmes, en particulier, ne profitent-elles pas plus de ce mouvement de progrès général ?

Tout d’abord, les femmes ne sont pas reconnues. Elles sont sous-évaluées. En 2009, la Commission européenne, a lancé une campagne de sensibilisation sur l’inégalité salariale entre hommes et femmes, qui est de l’ordre de 17.4%. Aux États-Unis, des études ont montré qu’un an après l’université, les femmes ne gagnent, en moyenne, que 80% de ce que gagnent leurs homologues masculins. Pourquoi si peu de femmes dans les conseils d’administration ou en politique ? Nos initiatives pour une meilleure performance économique peuvent-elles adresser ce problème ? Certains indicateurs mesurent l’évolution du pourcentage de femmes à des postes de cadres supérieurs, mais en faire une condition de réussite pour les pays inciterait sûrement les preneurs de décisions à nommer plus de femmes à des postes clés. S’il devenait important et reconnu, imaginez ce que pourrait changer cet indicateur.

Ensuite, les femmes ne sont pas comptabilisées. Elles sont invisibles. Les femmes représentent 50% de la population et pourtant une large partie de leur travail n’est toujours pas prise en compte dans les évaluations courantes des ressources économiques. Quel serait l’impact d’une véritable prise en compte de l’ensemble du travail des femmes à travers le monde ? Des recherches récemment menées par l’Institut de Recherche des Nations Unies pour le Développement Social estiment que si une valeur monétaire leur était attribuée, l’ensemble des activités non rémunérées, réalisées en grande partie par des femmes, représenterait entre 10 et 39% du PIB. Il existe clairement un argument économique de taille à valoriser le travail des femmes. À moins que ce travail ne soit traduit en données économiques, les politiques ne parviendront pas à cibler et soutenir les femmes, et leur contribution à l’économie mondiale demeurera invisible. Une fois leur travail accepté, nous pourrons commencer à le quantifier. Et s’il existait un indicateur du travail familial, et qu’il était aussi reconnu que le PIB ?

Finalement, les femmes n’ont pas accès aux mêmes opportunités que les hommes. Elles sont marginalisées. Les processus de mondialisation et de développement ont transformé les rôles et les rapports entre hommes et femmes, mais ceci ne s’est pas nécessairement traduit par un plus grand accès aux ressources et au pouvoir pour les femmes, ni par une plus grande égalité. Plus de femmes finissent par travailler dans l’économie informelle, dans de « mauvais emplois ». Comme l’ont démontré les études récentes du Centre de Développement de l’OCDE, il y a une « féminisation des mauvais emplois », lorsque la discrimination à l’égard des femmes les maintient à des postes dans de mauvaises conditions de travail et avec une rémunération faible ou non-existante. Ceci a des répercussions importantes sur la santé et le bien-être de leur famille et sur leur propre sécurité financière et physique. Un revenu faible ou non-existant ne leur permet pas d’épargner ni de participer pleinement à la croissance de l’économie et de la consommation. Et s’il existait un indicateur de bien-être mesurant également la santé économique d’une société et qu’il était parfaitement reconnu et soutenu comme le puissant PIB ?    

Nous sommes aujourd’hui en 2013. Le monde a changé depuis 1930, date à laquelle le PIB fut créé. Bien que nous admettions que le PIB soit un bon instrument de mesure du niveau de production, nous lançons un appel pour le développement de nouveaux indicateurs tout aussi puissants, qui incorporeraient un ensemble plus large de facteurs, dont le travail informel. Si ces derniers existaient, nous pourrions voir une véritable différence dans le monde. Pouvons-nous vraiment avoir une croissance économique durable et parler de  progrès mondial quand les femmes sont surreprésentées aux pires emplois, et qu’elles sont constamment moins payées pour le travail qu’elles fournissent voire pas payées du tout ? Il s’agit de défendre les droits des femmes et la parité, mais aussi de promouvoir une économie plus efficace en s’assurant de la prise en compte des femmes dans les mesures du progrès des sociétés. De nombreux travaux ont été initiés dans ce sens, à la fois à l’OCDE et à travers le monde. Cependant, libérer le potentiel économique et social des femmes et leur donner plus de visibilité dans les politiques gouvernementales représente un défi global majeur, aux bénéfices économiques conséquents s’il était correctement mis en place. Ce serait révolutionnaire! En conclusion, ce qui ne compte pas n’est pas comptabilisé, et l’on comptabilise seulement ce que l’on peut voir. Il est temps de voir les femmes et le travail qu’elles fournissent.

Angela Costrini Hariche et Karen Barnes Robinson

 

(Cet article a été initialement posté sur Wikiprogress ProgBlog )

 

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